Marie Claude Varaillas

Examen de la proposition de loi pour un nouveau pacte de citoyenneté avec la jeunesse par le vote à 16 ans

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Nous constatons à chaque élection un taux d’abstention particulièrement fort, et les jeunes sont parmi les premiers à ne pas se diriger vers les urnes. Si l’élection présidentielle mobilise toujours, en 2017 la participation des 18-24 ans est inférieure à la moyenne générale. Ce taux s’effondre à 31% pour les législatives, puis 28% pour les municipales et enfin 17% aux dernières élections régionales et départementales.

En tant que représentants de la République, ces chiffres ne peuvent que nous accabler, et nous partageons l’objectif de cette proposition de loi de lutter contre l’abstention massive de nos jeunes.

Avant toute chose, nous tenons à dire que nous ne sommes pas opposés à encourager la participation politique des moins de 18 ans. Les dernières grandes manifestations sur le climat, sur les droits des femmes ou sur la lutte contre le racisme ont été de tels succès grâce à la présence de ces jeunes. Ce que nous ne partageons pas, c’est ce raccourci fait entre le problème de l’abstention et l’élargissement de l’électorat à une population plus jeune, qui elle-même ne le demande pas. 

Pire, une telle proposition entretient la confusion entre les droits et devoirs rattachés à la majorité électorale et ceux rattachés à la majorité civile et pénale. Les distinguer risqueraient d’affaiblir la protection actuelle des mineurs dont la responsabilité pénale est atténuée concernant les sanctions, et permet l’existence de mesures d’assistance, d’éducation.

L’abstention des jeunes nous renvoie à l’état de notre démocratie, l’état du lien entre les citoyens et leurs représentants. Ce lien est aujourd’hui abîmé.

Pour ramener les plus jeunes électeurs aux urnes il faut susciter leur intérêt politique et cela passe par les politiques publiques que nous votons et qui ne sont pas assez orientées vers ce public, vers ses besoins et ses attentes. 

Avant de se lancer dans un élargissement de l’électorat, attelons-nous à rapprocher le politique des électeurs actuels. Ces dernières années ont été dénoncés le manque de transparence de la vie politique, le manque de reconnaissance des électeurs ou encore du vote blanc. 

Le droit de vote ne fait pas tout, il ne s’entretient pas par le seul fait d’exister. La croyance en son utilité est essentielle tout comme l’apprentissage de ce rituel républicain. 

Comme l’explique la sociologue Céline Braconnier, “si on se contente d’abaisser l’âge, sans interroger le rôle de l’école, on risque de ne faire qu’augmenter l’abstention”. A ce titre nous défendons le développement de lieux et de moments où l’éducation politique se déploie. C’est par les libertés citoyenne et politique que se forge l’opinion des jeunes, et nous sommes contre le musèlement de l’expression des élèves dans les cours des lycées, à qui l’article 511-2 du code de l’éducation nationale demande aujourd’hui une « neutralité politique » illusoire.

La normalisation de la participation électorale permettrait aussi de rendre l’acte de vote plus naturel. En France, les échéances électorales sont espacées et les citoyens sont finalement peu sollicités, en comparaison par exemple au système de référendums suisse. La concomitance des élections présidentielles et législatives a aussi fait perdre de la valeur à cette seconde élection, souvent considérée comme une simple validation de la première.

Enfin, il convient d’évoquer le phénomène de la mal inscription ou de la non inscription électorales, qui a concerné 13 millions de personnes en 2017. Ce sont les catégories de citoyens les plus mobiles qui sont particulièrement concernés, les étudiants et les jeunes cadres. Ne pas être inscrit dans le bureau de vote de sa commune multiplierait par trois les risques d’être un abstentionniste constant. La réforme de l’inscription va dans le bon sens en permettant un allongement des délais, mais d’autres dispositifs sont à trouver pour faire du vote non pas un fardeau administratif mais bien un droit des citoyens inhérent à leur quotidien.

Pour toutes ces raisons, mes collègues du groupe CRCE et moi-même voyons en cette proposition de loi un appel à lutter contre l’abstention, mais la solution de nos collègues du groupe SER manque son objectif. C’est pourquoi nous n’avons pas voté ce texte.