Marie Claude Varaillas

Projet de loi “3DS”- un texte sans souffle

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Depuis la crise des gilets jaunes, le président de la République n’a de cesse de vouloir renouer avec les maires, mais les projets de loi qui se succèdent au parlement peinent à convaincre d’une sincère et réelle volonté de décentralisation. Ainsi, « Engagement et Proximité » adoptée en décembre 2019 qui visait à redonner plus de place et d’autorité aux maires demeure un texte très technique, sans souffle.

Le projet de loi « 4D » devenu « 3DS » – pour “Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et Simplification”- porté par la ministre Jacqueline Gourault, et voté au Sénat le 21 juillet n’échappe malheureusement pas à ce manque d’ambition.

  • EOLIEN: Un amendement a été adopté pour permettre aux régions d’augmenter ou de redéfinir la distance minimale entre les éoliennes terrestres et les habitations, en fonction de la hauteur des éoliennes, pâles comprises. Les sénateurs ont également fait voter un article donnant un droit de veto des conseils municipaux au développement des projets. Cette disposition que les sénateurs avaient déjà fait adopter dans le cadre de l’examen du projet de loi “Climat et Résilience” n’avait finalement pas été conservée lors de la commission mixte paritaire (CMP). À la place, les maires ont la possibilité d’émettre un avis sur les projets.
  • TRANSPORTS: Le texte permet le transfert de routes nationales, d’autoroutes et de portions de voies du domaine public aux départements et métropoles. Pour les régions volontaires, il s’agira d’une expérimentation de huit ans. Les collectivités pourront mettre en place des radars automatiques. Le texte complète le dispositif de transfert de la gestion des petites lignes ferroviaires aux régions, introduit par la loi LOM sur les mobilités. Il permet d’y inclure les installations de service telles que les gares.
  • LOGEMENT: Le projet de loi pérennise la loi SRU, qui fixe pour certaines communes un nombre minimum de logements sociaux. Il crée un “contrat de mixité sociale” entre le préfet, le maire et le président de l’intercommunalité, contrat dans lequel pourra être adapté le rythme de rattrapage du déficit de logements sociaux. Dans les zones de revitalisation rurale (14 900 communes concernées) et les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les collectivités pourront acquérir des biens abandonnés (“biens sans maîtres”) au bout de dix ans (au lieu de trente).
  • EMPLOI: Le Sénat a confié aux régions, contre l’avis du gouvernement, la politique régionale d’accès à l’apprentissage et à la formation professionnelle des jeunes et des adultes et la coordination des acteurs du service public de l’emploi. 
  • SOCIAL: Pour répondre à une demande du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, est prévue une expérimentation pendant cinq ans d’une recentralisation du revenu de solidarité active (RSA), pour les départements demandeurs. Les sénateurs ont introduit une disposition instaurant la possibilité pour le président du conseil départemental de demander directement aux bénéficiaires du RSA des documents justificatifs. Ils ont accru les marges de manœuvre des départements dans le versement du RSA en leur permettant d’imposer une condition de patrimoine pour pouvoir en bénéficier. 
  • ENFANCE: le texte transfère les directeurs des établissements de l’aide sociale à l’enfance de la fonction publique hospitalière à la fonction publique territoriale et prévoit leur nomination par le président du conseil départemental. Le texte rend par ailleurs obligatoire le recours au fichier controversé des mineurs isolés étrangers (MNA) pour rationaliser leur prise en charge par les départements.
  • SANTE-EDUCATION: Le conseil de surveillance des agences régionales de santé (ARS) sera transformé en conseil d’administration. Contre l’avis du gouvernement, la Chambre haute a confié sa coprésidence au président du conseil régional conjointement avec le préfet de région. Le Sénat a demandé la remise d’un rapport au Parlement sur les perspectives du transfert de la médecine scolaire aux départements. Les sénateurs ont prévu d’intégrer la modalité d’enseignement immersif en langue régionale dans le code de l’éducation.

Ce texte fourre tout s’arrête malheureusement au milieu du gué. Il ne traite pas la question des moyens financiers alloués aux collectivités territoriales et manque le coche en ne leur restituant pas la clause de compétence générale qui était une condition nécessaire pour aller vers une réelle simplification et décentralisation de la République.

Le deuxième grand acte de la décentralisation annoncé n’a pas eu lieu. Aussi avec mon groupe CRCE, nous avons voté contre ce texte.