Le projet de Loi issu de la Convention Citoyenne pour le Climat, actuellement à l’Assemblée nationale, devrait arriver au Sénat entre mai et juin. Alors que les conséquences du réchauffement climatique sont de plus en plus palpables, les empreintes de l’humanité sur la biosphère de plus en plus visibles, il est urgent de mettre en place des politiques publiques à la hauteur de ces enjeux.
Les prédictions de l’évolution du climat en France prévoient ainsi des pics de températures jusqu’à 50 degrés, pulvérisant tous les records connus dans l’hexagone. La crise environnementale n’est plus depuis plusieurs années déjà un problème de demain : elle se déroule sous nos yeux.
Leader dans la constitution des accords de Paris lors de la COP 21, la France devrait faire la course en tête en matière de politiques climatiques vertueuses. Mais après avoir donné la parole à 150 citoyens à travers la Convention Citoyenne pour le Climat et promis d’appliquer sans filtre les propositions issues de leur travail, le résultat est loin d’être à la hauteur des attentes suscitées. Au lieu de répondre à l’exigence de démocratie, l’exercice a très vite montré ses limites.
Le tête-à-tête avec le Président de la République et l’exécutif a affaibli la Convention et ses propositions, donnant un pouvoir de filtrage à Emmanuel Macron. Cette situation a également exposé les propositions de la Convention à l’influence délétère des lobbys industriels, comme l’expose un rapport de l’Observatoire des Multinationales publié le 8 février 2021.
De plus, cette innovation démocratique se traduit par une certaine forme de musèlement du Parlement, cantonné dans un simple rôle d’acquiescement à des mesures décidées et définies ailleurs. Tout cela a abouti à un évidage des propositions des « 150 » de leur force politique et écologique. Le Réseau Action Climat a ainsi déploré « le manque flagrant d’ambition de ce texte [et] appelé les parlementaires à “redonner au projet de loi l’ambition initiale des mesures des 150 citoyens” ».
Une interaction plus riche, plus précoce et plus soutenue entre les membres de la Convention Citoyenne et les parlementaires aurait aidé le travail des premiers et l’assimilation de ce travail par les seconds. De telles dispositions auraient le mérite de renforcer le lien entre citoyens et représentants élus et participer ainsi à l’élargissement du périmètre de la démocratie directe au sein de nos institutions.
Ce projet de loi ne reprend pas les mesures les plus systémiques, comme l’obligation de rénovation globale de l’ensemble des logements dès 2024, l’interdiction des vols intérieurs si une alternative possible existe à ceux-ci en moins de 4 heures, l’obligation d’un menu végétarien quotidien dans la restauration collective publique, et l’éco-conditionnalité des aides publiques. Exit le changement du préambule de la Constitution pour y intégrer la préservation de l’environnement comme principe supérieur aux autres valeurs fondamentales, la taxation à 4 % des dividendes des entreprises, la limitation de la vitesse à 110 km/h sur les autoroutes.
Nous pouvons regretter qu’aucune des propositions formulées par la convention, et par conséquent qu’aucun des articles de ce projet de Loi, ne permette de revenir sur la propriété des « biens communs » nécessaires à la transition écologique et donc à l’objectif de baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre. Les outils de puissance publique que sont la SNCF et EDF ne sont pas utilisés ou pensés comme des leviers alors que ce sont des secteurs qui avec le bâtiment pèsent le plus dans les déficits carbones. Alors que la priorité doit être donnée aux transports collectifs, que l’outil SNCF doit être repensé pour répondre à ces besoins économiques et environnementaux et pour en faire la cheville ouvrière de la transition écologique, les crédits qui sont dédiés à ce secteur dans le Projet de Loi de finances 2021 sont nettement insuffisants s’agissant notamment de la régénération des petites lignes et du développement du fret ferroviaire.
Les mesures les plus hostiles au capitalisme et au productivisme ont été systématiquement mises de côté alors qu’elles sont précisément les plus nécessaires pour lutter contre le changement climatique causé par ces deux mêmes logiques. En levant partiellement l’interdiction d’utilisation des néonicotinoïdes, en apportant un soutien massif aux énergies fossiles ou encore en poursuivant sa politique dans la voie d’accords de libre-échange comme le CETA et le MERCOSUR le gouvernement aggrave de façon exorbitante notre déficit environnemental. Et que pensez du projet « HERCULE » de démantèlement d’EDF qui vise à livrer aux marchés financiers notre souveraineté électrique ?
Notre groupe va s’employer au Sénat à renforcer ce projet de Loi sur le Climat particulièrement en reprenant les propositions qui en ont été écartées et en développant l’usage qui doit être fait des leviers économiques publics aussi importants que sont ceux de l’énergie et des transports. La réduction de nos émissions de CO2 pourrait être massive si la France s’engageait, entre autres, vers :
- Le refus des accords de libre-échange et l’adoption d’une Loi favorisant les circuits courts ;
- La création d’un pôle public de l’énergie pour une gestion 100 % publique ; il s’agit de fédérer tous les acteurs de la filière, en premier lieu EDF, Gaz de France, Engie, CEA, Areva et Total, et ceci pour aller vers des formes de nationalisations sous contrôle démocratique des travailleurs de ces entreprises et des usagers afin de développer un mix énergétique décarboné et qui fasse progresser la part des énergies renouvelables.
- Une politique de nouvelle industrialisation écologique avec la création d’un fonds stratégique pour la transition industrielle et la relocalisation à hauteur de 15 milliards d’euros pour mener à bien une réindustrialisation écologiquement durable du pays ;
- La priorité aux transports écologiques par le développement et la gratuité des transports en commun et des mobilités douces,
- Le développement des transports et du fret ferroviaire, ainsi que des transports fluviaux et maritimes au détriment du transport routier ;
- La rénovation thermique des bâtiments, de 700 000 logements par an (1 ménage sur 5 est en situation de précarité énergétique dans notre pays)
- Un nouveau modèle de production agricole conjuguant l’impératif écologique à la nécessité de nourrir l’humanité ;
- La protection de la biodiversité dont nos forêts avec l’arrêt de la privatisation de l’ONF afin d’assurer la maîtrise publique de la politique forestière ;
- Un effort de déconnexion entre l’administration de l’état et les représentants des intérêts industriels privés, dont l’influence nuit grandement à la mise en place d’une politique climatique et environnementale digne de ce nom.
De telles mesures collectives et résolument à rebours des logiques de profit, d’accumulation et de production sans fin sont de nature à répondre à l’urgence écologique. Elles impliquent des créations d’emplois, des formations, la création de nouvelles institutions dont un fonds dédié pour leur financement, la contribution des hauts revenus et des revenus du capital pour une justice sociale et écologique.
Marie-Claude Varaillas, Initiatives n°122-Février 2021