Dimanche 4 avril, j’ai signé une tribune dans le JDD avec 343 autres personnalités pour marquer les 50 ans du Manifeste et rappeler que l’allongement du délai d’avortement de 12 à 14 semaines reste un combat pour une société solidaire où les femmes sont respectées dans leur choix d’avoir ou non un enfant.
Renforcer l’accès à l’IVG doit aller de pair avec le maintien et le soutien aux services qui prennent en charge la pratique de l’IVG et l’accompagnement des femmes qui prennent cette décision. Car c’est encore une des grandes difficultés d’accès rencontrées : toutes les femmes qui vivent sur les territoires en métropole et en outre-mer ne sont pas égales.
Les femmes qui veulent une IVG la veulent le plus rapidement possible car majoritairement elles prennent cette décision très vite : allonger les délais augmentera leurs chances de faire cette IVG en France.
Allonger les délais, c’est :
1/ Eviter de creuser les inégalités sociales entre les femmes:
Aller faire une IVG à l’étranger coûte 3 à 5 fois plus cher pour les femmes qui ne peuvent la faire en France, sans compter le prix du voyage et de l’hébergement éventuellement : le coût d’un avortement à l’étranger varie entre 600 € et 3000€.
Les femmes doivent donc trouver l’argent nécessaire (se le faire prêter, emprunter, rechercher les aides possibles et donc perdre encore du temps avant de pouvoir partir) : les inégalités entre les femmes pauvres et celles qui ont des ressources sont flagrantes et insupportables pour celles qui n’ayant pu trouver d’argent sont contraintes à la grossesse non désirée.
Cette question est donc bien aussi une question d’égalité sociale, d’égalité femmes hommes
« Les femmes constituent aujourd’hui la majorité des personnes en situation de précarité, que l’on retienne le critère
– des revenus : elles représentent 53 % des personnes pauvres, 57 % des bénéficiaires du revenu social d’activité
– des conditions de travail et du type d’emploi : elles constituent 70 % des travailleur.euse.s pauvres, occupent 82 % des emplois à temps partiel et 62 % des emplois non qualifiés
– de la situation familiale : les femmes représentent 85 % des chef.fe.s de familles monoparentales et une famille monoparentale sur trois vit sous le seuil de pauvreté.
2/ Ne pas faire prendre des risques pour la santé et permettre à toutes les femmes d’accéder à l’IVG dans des conditions sûres en France:
Les femmes qui veulent avorter avorteront. Celles qui ne peuvent aller à l’étranger recourent déjà aujourd’hui à l’achat de pilules abortives sur internet et sur certains territoires. Ou peuvent recourir dans certains cas à des gestes désespérés (prise de médicaments, se frapper le ventre…)
Plusieurs pays d’Europe autorisent l’avortement jusqu’à 18 voire 22 semaines et au-delà, et cette pratique exercée depuis de nombreuses années a montré qu’elle était sans danger et sans risque pour la santé des femmes.
Les techniques utilisées pour les 12-14 semaines sont les mêmes techniques et mêmes méthodes instrumentales utilisées pour les 10-12 semaines. Elles sont utilisées par les professionnels de santé en Angleterre, aux Pays-Bas et aux USA, la différence étant la taille du foetus.
Ce geste technique n’est pas plus compliqué, mais demande un savoir faire comme pour beaucoup d’actes médicaux techniques.
Les études scientifiques ne montrent pas plus de complications médicales après 10 semaines.
Il existe une particularité en France : les études médicales et gynécologiques n’intègrent pas cette formation : peu de médecins sont aujourd’hui formés à la méthode instrumentale ; ce qui ne permet pas aux services qui les emploient de la proposer et constitue de fait un obstacle au choix de la méthode d’IVG jusque 12 semaines.
Il est donc indispensable de mieux former les professionnels de santé que ce soit pendant la formation initiale ou lors de la formation continue à l’IVG instrumentale et à l’Ivg médicamenteuse, ce qui améliorera la prise en charge de toutes les femmes en France quel que soit le délai en proposant, comme le dit la loi, toutes les méthodes au choix des femmes.
3/ Enfin, comment justifier que les législations en Europe en matière d’IVG ne s’alignent pas de façon déterminée sur les mesures les plus avantageuses pour toutes les femmes ?
Lors des rencontres du G7, il a été question de choisir les mesures législatives les plus favorables pour les femmes : l’allongement des délais d’avortement légaux serait une première mesure.