Le manque d’ambition du gouvernement — et de sa majorité à l’Assemblée nationale — sur la loi climat menace de faire de celle-ci un ensemble de mesures déconnectées les unes des autres, sans portée réelle.
Lundi 14 juin 2021, j’ai défendu un amendement présenté par le groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste, portant sur les exigences globales du projet de loi climat. Cet amendement (n° 141) engage la France à respecter les objectifs européens de réduction des gaz à effet de serre, lesquels relèveront l’ambition d’une réduction d’émission de 40 % à 55 %. Des amendements similaires ont été présentés par l’ensemble des groupes, marquant l’unanimité du Sénat sur cette question.
En inscrivant le projet de loi dans le cadre des nouveaux objectifs de l’Union européenne en matière climatique, cet amendement permet d’éviter que le texte soit obsolète avant même d’être promulgué. Notre pays doit être à la hauteur du rôle historique et moteur que nous tenons dans la négociation internationale sur le climat.
Développement de l’énergie éolienne :
J’ai présenté plusieurs amendements avec mes collègues du groupe CRCE, afin de renforcer le rôle des élus locaux et des habitants dans les prises de décisions concernant l’exploitation et la mise en place d’installations de production d’énergie électrique d’origine éolienne.
Ces amendements visaient à renforcer le rôle des élus et de la population dans l’attribution de la mise en exploitation de ces installations (n° 822) et dans l’attribution des autorisations de déforestation réalisées dans le but de leur construction (n° 833).
Un troisième amendement visait également à ce que les objectifs de développement de la production d’électricité par l’éolien soient établis en suivant une répartition quantitative, décidée nationalement en fonction des capacités contributives des régions, de leur potentiel éolien et du respect du patrimoine historique et environnemental (n° 821).
Le développement de l’énergie éolienne pose d’importantes questions en termes de retombées économiques. Son développement doit s’inscrire dans celui d’un service public renouvelé de l’énergie, géré démocratiquement et en pleine propriété publique — c’est dans cette perspective que nos amendements et notre travail sur le volet énergie de la loi climat s’inscrivent.
Je continuerai à veiller à ce que la transition écologique soit conduite, à l’échelle de notre pays, dans le respect des principes démocratiques de participation et de décentralisation de notre République.
Artificialisation des sols :
Du point de vue du développement des territoires ruraux, l’un des aspects les plus importants de la loi climat concerne la lutte contre l’artificialisation des terres agricoles, forestières et naturelles.
Cette lutte est marquée par deux dimensions : d’une part, l’importante artificialisation due à l’expansion et à la faible densité des aires urbaines, et d’autre part, la forte pression mise sur les collectivités rurales par la lutte contre l’artificialisation.
Le groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste a ainsi porté des amendements traitant de manière distincte ces problèmes. D’une part, nous avons cherché à diminuer la pression de la lutte contre l’artificialisation sur les petites communes rurales en Zones de Revitalisations Rurales ou ayant perdu de la population dans les 20 dernières années, en prenant en compte les disparités de développement.
D’autre part, nous avons chercher à permettre que les PLU contiennent une obligation d’utilisation de l’ensemble du potentiel constructible, afin de lutter plus efficacement contre l’étalement urbain, première source d’artificialisation des terres. La densification du tissu urbain est à ce titre un levier que nous jugeons indispensable.
Tous les territoires ne sont pas égaux face à l’artificialisation, et les territoires ruraux n’en sont ni la source principale, ni capable de supporter un effort démesuré pour s’y opposer, qui serait par ailleurs injuste. La transition écologique doit être menée à la fois là où elle est le plus efficace, et sans condamner les campagnes à devenir des pièces de musée.
Expérimentation de menus végétariens dans les cantines :
L’un des points les plus discutés de la loi climat a été l’introduction à l’article XX d’une expérimentation, dans les cantines scolaires, d’un menu végétarien hebdomadaire.
Cette discussion a soulevé d’importantes questions, comme les filières d’approvisionnement, la valeur nutritive des menus, leur prix et leur impact environnemental. L’accès à un menu végétarien peut constituer pour nos enfants une possibilité de diversification alimentaire et pour les collectivités une piste d’atténuation de leur impact environnemental.
Dans ce débat, le groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste ont tenu à porter l’exigence de la qualité globale, nutritive et environnementale, des menus végétariens proposés dans le cadre de l’expérimentation. Nous avons ainsi proposé une série d’amendements visant à assurer la qualité des menus végétariens servis :
- Un premier, le n° 828, visait à garantir une proportion de 20 % de produits issus de l’agriculture biologique dans l’objectif de 60 % des viandes et produits de la pêche « de qualité et durable » dans la restauration collective, déjà prévu à l’article XX de la loi.
- Un second, le n° 1104 rectifié, demande un rapport portant sur les objectifs à tenir en matière de diminution de la part des importations de produits agricoles et alimentaires nécessaires, filière par filière, pour réduire l’empreinte carbone de l’alimentation des Français soit remis par le gouvernement dans les 6 mois à compter de la promulgation de la loi que nous discutons.
- Un troisième enfin, le n° 1106, propose que l’évaluation de l’expérimentation sur les menus végétariens prévue à l’article 59 porte également, outre sur le gaspillage alimentaire, la fréquentation et le coût des repas, sur la qualité globale de ces menus, incluant leur origine, le caractère transformé des produits servis, la consommation d’additifs, colorants ou stabilisants alimentaires.
Cette exigence de qualité ne doit pas se limiter aux menus végétariens, et s’étendre à l’ensemble des menus servis au sein de la restauration collective, dont particulièrement dans les cantines scolaires.
Manque d’ambition de la loi climat :
Tout au long des débats sur la loi climat au Sénat, comme à l’Assemblée nationale, un nombre important d’amendements ont été déclarés irrecevables, principalement en étant qualifiés d’être des « cavaliers législatifs », c’est-à-dire sans lien même indirect avec le texte discuté. Sous ce prétexte, c’est une véritable censure parlementaire qui est mise en place, en empêchant la possibilité de discuter même.
Un sujet comme la collecte des déchets est de fait déclaré comme n’ayant rien à voir avec le texte ! Le groupe CRCE avait ainsi déposé un amendement (n° 625) proposant que soit rajouté après l’article 72 un article établissant que les dépôts résultants des abandons de déchets sont pris en charge par les filières de responsabilités élargies des producteurs dès lors qu’ils excèdent un seuil d’une tonne, contrairement au seuil actuel de 100 tonnes. Balayé. Irrecevable.
Nos amendements visant à maintenir les effectifs de l’ONF ? Irrecevables.
La mise en place d’un nouveau plan de financement pour le rail par notamment la nationalisation des autoroutes ? Irrecevable.
La création d’un fonds national pour la transition écologique des emplois visant à accompagner les salariés ? Irrecevable.
Élargissement et augmentation de la taxe sur les transactions financières ? Irrecevable.
En substance, ce sont tous les amendements qui visaient au rééquilibrage des pouvoirs ou à une meilleure répartition des richesses qui ont été exclues de la discussion. La recherche de nouvelles ressources pour mener les politiques publiques a été également esquivée. Les entreprises publiques telles que EDF ou la SCNF ont de même été mises de côté dès lors qu’il était proposé qu’elles jouent un rôle de levier de politique publique en matière de transition écologique.
LREM à l’Assemblée nationale et la droite au Sénat présentent une même conception de l’écologie qui prévaut malgré la mise en scène de l’affrontement : une « écologie » compatible avec le marché, une écologie qui priorise le marché et se plie à ses exigences qui ne répond en rien aux besoins de la population, des territoires et de nos écosystèmes.
Vote solennel:
Le 29 juin 2021, le Sénat a voté le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets par 193 voix pour et 100 voix contre. Après de longues nuits et soirées dans l’hémicycle, c’est un texte qui ne sera pas la hauteur des obligations de la France dans le cadre des objectifs européens rehaussés de 55 % de réduction des gaz à effet de serre.
Malgré nos tentatives de porter le fer sur l’agriculture, sur les repas bios et végétariens, sur la collecte des déchets, sur les énergies renouvelables, sur la rénovation globale des logements, c’est finalement une addition de mesurettes qui a été soumise à notre vote. Cela s’est notamment vu par les dizaines de nos amendements qui furent déclarés irrecevables, dès lors que nous abordions la question des moyens et la nécessaire mobilisation des entreprises publiques telles qu’EDF ou la SNCF en tant que véritables leviers pour la transition énergétique.
Ce projet de loi ne répondra pas aux exigences environnementales et de justice sociale qui devaient prévaloir à la démarche de la convention citoyenne. La majorité macroniste à l’Assemblée nationale comme la droite au Sénat ont pratiqué l’évitement : l’évitement du débat et des mesures ambitieuses, l’évitement des questions de fond pour répondre efficacement à la crise climatique.
C’est pour ces raisons que mon groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste a voté contre ce texte ; une position qui a été défendue par mon collègue Fabien Gay, Sénateur de Seine–Saint-Denis.